Dans le pays le plus touché d’Europe, les travailleurs ont réagi. Alors que la maladie se répandait comme une traînée de poudre surtout en Lombardie et dans la plaine du Pô, la plus industrialisée et polluée d’Europe, 12 millions de travailleurs au bas mot (environ 60 % des travailleurs du pays) étaient obligés de travailler la semaine et de se confiner le week-end ! Les hôpitaux, victimes de l’austérité, dont de nombreux personnels sont précaires et aux salaires bloqués depuis au moins 10 ans, étaient saturés et dépassés.
Une série de grèves sauvages a éclaté en Lombardie vers le 11 mars pour exiger l’arrêt des productions non essentielles. Elle a abouti le 14 mars à un accord entre patronat, gouvernement et syndicats où les grandes confédérations syndicales comme la CGIL, engluées dans le dialogue social avec le gouvernement de « centre gauche » (soutenu par le Parti démocrate et le Mouvement 5 Étoiles), ont établi ensemble une liste d’entreprises pouvant rester ouvertes « en toute sécurité » (services publics, alimentaire, transport, nettoyage et… l’industrie de l’armement).
Mais lorsque le pic des 4000 décès a été atteint le 21 mars, un nouvel accord a décrété la fermeture des entreprises non essentielles. Aussitôt, le chef du syndicat patronal Cofindustria (l’équivalent du Medef), Boccia, est intervenu auprès du gouvernement qui a réécrit le décret pour ne pas laisser « les entreprises sans liquidités », « éviter l’impact négatif sur les stocks de nos entreprises » et que les patrons « perdent tout espoir » pour investir ! Bilan : la liste a été multipliée par deux. Ont été par exemple autorisées à travailler les industries du caoutchouc, non pour fabriquer des gants, mais des pneus !
La colère était si grande que les grandes confédérations syndicales ont dû appeler à une grève générale le 25 mars en Lombardie. Mais c’était bien tard et avec des milliers de victimes de plus.
Le 26 mars, à Palerme, un magasin LIDL était pris d’assaut aux cris de « Nous n’avons pas d’argent, nous devons manger ! ». Cela laisse entrevoir la catastrophe supplémentaire qu’est l’extension de la maladie au sud de l’Italie où 3,7 millions de personnes travaillent sans être déclarées et donc, ne bénéficient d’aucune aide.
Monica Casanova